lundi 6 décembre 2010

La Ludifaction du Monde

La ludifaction, ça vient d'où ?
Jesse Schell, game designer et auteur de l'excellent ouvrage "The Art of Game Design : a Book of Lenses", soutient une théorie qui apparemment commence à faire grand bruit dans le monde du jeu : la "gamification" (que je me permets humblement de traduire par "ludifaction") du monde.


En gros, notre société de loisir devient maintenant une société du jeu, c'est à dire où tout devient jouable. La tendance existait déjà avec les loteries commerciales par exemple, mais devient encore plus explicite aujourd'hui avec par exemple dans les réseaux sociaux, des actions qui font gagner des points utiles pour effectuer d'autres actions.

La ludifaction en action (issu de J. Schell à la GDC 2010)


Jesse Schell explore la ludifaction à travers un blog listant de nombreux exemples et des présentations, notamment à la GDC (diapos) et à TED (vidéo).

Ludifaction de l'enseignement

Evidemment, je m'interroge sur les conséquences dans l'enseignement. Je pense à la mode actuelle des jeux sérieux mais Jesse cite aussi un exemple en dehors du jeu vidéo, dans une autre présentation à TEDxUniPittsburgh (vidéo), avec un professeur remplaçant les notes du bulletin par une grille d'expérience comme dans un jeu :

Notation scolaire sous forme de points d'XP et de "levels" (issu de la présentation de J.Schell à TedxUniPittsburgh)


Quels mécanismes permettent de rendre plus motivant un apprentissage (libre ou contraint) ? Dans un long entretien dans Gamasutra, Jesse Schell explique qu'ajouter une récompense en points ne suffira probablement pas mais qu'il vaut mieux "ludifier" les activités de manière plus "naturelle" :
There are a lot of people looking at [Gamification] in a foolish way. Anyone who thinks you can just treat people like little B.F. Skinner characters will be disappointed when they try and make it work, because mostly it doesn't work. What this all points to is how poorly we understand the nature to intrinsic motivation. It's like FarmVille succeeded and no one expected it because we're not good at understanding what intrinsically motivates people [...].
A lot of people are acting like "Oh, it's easy. I've just got to put points and badges on things!" -- like it's gonna work. That's totally not the case, right? I mean, there are plenty of games out there that people hate.
However, I think where the real win is when people start to analyze what is it about games that people like, and then to take those elements and weed those into what the experiences they're making in a natural way.
It may be that you've taken some thread that works out of games and woven it into your thing. Your thing has not become a game, maybe, but maybe you've given it an enhanced sense of progress, or an enhanced sense of feedback, or an enhanced sense of camaraderie, things that games do really well, and you're going to, you know, take one thread. I think that's where the real success is going to come from in this space.

Est-il souhaitable de chercher à tout rendre jouable ?

Même si je ne connais pas sa définition exacte du terme, Jesse Schell parle de "Gamepocalyse" associant cette invasion du jeu à la notion de fin du monde catastrophique. C'est pourquoi j'aime bien la traduction de "ludifaction" qui rime un peu avec "putréfaction" à mes oreilles et souligne ainsi la face sombre du concept.

Existe-t-il des compétences ou des formes d'apprentissage qui perdront de leur qualité en devant jouable ? Existe-t-il des formes "nocives" de jouabilité ? Grandes questions auxquelles je vais maintenant réfléchir (deux billets de blog le même jour c'est pas sérieux).

1 commentaire:

  1. [Coulisses]
    - Deux billets le même jour... ?
    - Oui, je sais, ce n'est pas bon signe de fournir autant d'effort dès le premier jour. J'espère qu'il me restera assez de motivations pour poursuivre plus tard. :o)
    - Est-tu au moins satisfait du contenu ?
    - J'aime bien ma traduction proposée de "ludifaction" (et la rime avec "putréfaction"). En revanche, je pense que la structure de l'article est peu claire voire bancale. Au début, je voulais juste parler du concept de "gamification" et de Jesse Schell, puis je me suis aperçu que le concept était assez critiquable (d'où la dernière question/partie). Dans son entretien, Jesse dit que les gens interprètent mal le concept original mais en relisant les diapos de sa présentation initiale je m'aperçois que ses exemples donnent vraiment l'impression qu'il suffit de donner des récompenses pour ludifier (j'aime bien cette expression) une activité.
    Du coup, je ne suis pas sûr que le billet soit très lisible. J'espère au moins que les lecteurs, s'il y en a, auront envie de creuser la question et d'explorer les nombreux liens.

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